Au cours des dernières années, j'ai remarqué que de plus en plus de professeur·es d'histoire discutaient de stratégies pour écrire et enseigner des « histoires utilisables ».

Il s'agit certainement d'une expression accrocheuse. Elle trouve un écho chez la plupart des historien·nes, car nous dépensons beaucoup d'énergie à défendre l'utilité de notre travail en tant qu'enseignant·es et chercheur·ses. Pourtant, malgré cela, il n'y a pas de consensus sur ce à quoi devrait ressembler une histoire utilisable ...

Selon l'historien Bob Bain, l'enseignement d'une histoire utilisable nécessite une pratique pédagogique qui initie les étudiant·es à trois éléments : les faits historiques, la pensée critique et la conscience historique. Vous pouvez trouver un article de blog très intéressant, sur le Big History Project, reprenant ses idées ici.

Je l’avoue, au moment de publier cet article, je fais partie du comité consultatif du Projet OER (OER Project en anglais).

Je ne suis pas en désaccord avec Bob, mais je me demande s'il n'y a pas quelque chose à gagner en poussant ce raisonnement encore plus loin.

Mais que se passerait-il si nous établissions un lien explicite entre le travail de l'histoire et la façon dont l'avenir est imaginé ?

En tant qu'historien·nes, nous nous concentrons sur l'imagination historique. Nous utilisons des preuves et nous nous appuyons sur des méthodologies reconnues pour influencer la façon dont nous imaginons le passé. Visuellement, cela pourrait ressembler à quelque chose comme ça :

 

Mais que se passerait-il si nous établissions un lien explicite entre le travail de l'histoire et la façon dont l'avenir est imaginé ?

Pensez-y... Ce n'est pas aussi absurde que cela en a l'air. 

Il existe plusieurs domaines d'études qui sont orientés vers le futur. Tout domaine visant à créer un changement social est orienté vers l'avenir. Pourtant, ils utilisent tous l'histoire.

Prenons l'économie, par exemple. 

Les économistes plaident pour ou contre des questions telles que la baisse des taux d'intérêt et la libéralisation du commerce, car elles et ils pensent que cela conduira à un résultat sociétal particulier dans le futur.

Voici ce qui est vraiment intéressant :   

Les économistes n'ont pas de boule de cristal. Ils et elles ne peuvent pas réellement prédire l'avenir. 

Si cela était possible, nous n'aurions pas de récessions et de dépressions économiques. C'est aussi simple que cela.

Cependant, pour nous persuader que leurs prédictions économiques sont exactes, elles et ils font référence aux circonstances économiques du passé et établissent des parallèles avec ces dernières.

En d'autres termes, les économistes utilisent l'histoire. Ils et elles construisent des récits historiques pour soutenir leurs théories orientées vers l'avenir. Il est vrai qu'un grand nombre d'entre eux·elles utilisent très mal l'histoire, mais ils et elles l'utilisent quand même.

J'ai été particulièrement inspirée par le travail de Deidre McCloskey sur ce point. Selon elle, une grande partie de ce que font les économistes est « de l'histoire dans une autre dimension ».

Alors, qu'est-ce que tout cela signifie pour nous, historien·nes ?

Peut-être qu'au lieu de jouer la défense, nous devrions commencer à contre-attaquer.

Si les expert·es d'autres domaines utilisent l'histoire pour influencer l'avenir, alors je pense que nous avons la responsabilité de nous préoccuper activement et explicitement de l'avenir.

Au lieu de proclamer haut et fort « l'histoire est importante ! » à un monde de non-historien·nes, nous devons aller sur le terrain de l'économie, de la politique et du développement international et nous engager sur la façon dont l'histoire est utilisée dans ces domaines.

En d'autres termes, il est nécessaire de recadrer la manière dont nous présentons ce que nous faisons. Cela implique d'écrire et d'enseigner l'histoire de manière très différente. Cela pourrait même nous obliger à imaginer de nouvelles façons de restructurer de manière significative les programmes d'histoire traditionnels.

Nous devons montrer que bien faire de l'histoire peut changer l'avenir. Visuellement, un recadrage du travail historique pourrait ressembler à ceci :

Je suis prête à parier que si nous présentions l'histoire comme une discipline qui influence l'avenir, il serait beaucoup plus facile de convaincre les étudiant·es de se spécialiser en histoire. 

En prime, nous passerions également beaucoup moins de temps à défendre ce que nous faisons auprès du reste de la planète...

J'aimerais avoir votre avis sur la question. N'hésitez pas à laisser un commentaire ou à m'envoyer un courriel directement. 

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Audra A. Diptée.

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